Le système juridique du régime iranien continue d’ancrer les violences fondées sur le genre ainsi que la violence systémique à l’égard des femmes, non seulement par ses codes pénaux obsolètes et l’absence de législation protectrice, mais aussi à travers un processus judiciaire profondément défaillant.
En dépit de nombreux rapports et appels lancés par les militantes des droits des femmes, les survivantes de violences domestiques font face à des obstacles quasi insurmontables pour prouver les abus, obtenir une protection juridique et échapper aux cycles de brutalité.
De récentes informations en provenance des médias d’État iraniens révèlent que la bureaucratie judiciaire du régime n’est pas simplement inefficace : elle est complice des violences fondées sur le genre. Bien que ces révélations semblent à première vue concerner des questions juridiques, un examen plus attentif met à nu un régime qui privilégie le contrôle patriarcal au détriment de la sécurité et des droits des femmes.
Un piège bureaucratique sans fin
Les femmes qui cherchent justice en Iran après avoir subi des violences domestiques sont prises dans une boucle bureaucratique déshumanisante. Elles sont baladées entre commissariats, centres médico-légaux, tribunaux familiaux et conseillers désignés par l’État. À chaque étape, au lieu d’apporter un soutien, le système érige de nouveaux obstacles — non pas pour résoudre les affaires, mais pour épuiser les victimes.
Même si les lois du régime permettent théoriquement aux femmes de déposer plainte, il n’existe aucune structure efficace pour les protéger ou pour tenir les auteurs responsables.
Résultat ? Les victimes portent l’intégralité de la charge de la preuve.
Dans un pays où la violence domestique a lieu le plus souvent derrière des portes closes, et où les témoins sont souvent des membres de la famille trop effrayés ou réticents à témoigner, les femmes sont confrontées à une tâche presque impossible. L’absence d’une définition juridique distincte pour la violence domestique aggrave encore la crise, car les procureurs doivent forcer ces affaires à entrer dans des catégories criminelles générales, inadaptées à la réalité des abus conjugaux.
L’illusion de la preuve médico-légale
Les rapports médicaux légaux sont souvent cités par le régime comme des éléments que les victimes peuvent utiliser pour obtenir justice. Pourtant, ces rapports — ecchymoses, fractures, autres blessures visibles — aboutissent rarement à des condamnations.
Les hommes accusés peuvent facilement nier leur responsabilité, prétendant que la femme est tombée, s’est blessée elle-même ou a eu un accident. La charge de la preuve retourne alors à la victime, qui doit démontrer que les blessures ont bien été infligées par l’accusé. Dans le système juridique du régime iranien, où le blâme des victimes est monnaie courante et où la police manque souvent de volonté pour mener des enquêtes approfondies, il est pratiquement impossible de fournir une telle preuve.
La situation est aggravée par la réticence des voisins à témoigner. Dans de nombreuses régions d’Iran, en particulier dans les communautés plus conservatrices et rurales, intervenir dans les « affaires privées » d’une famille est mal vu. La peur des représailles, la stigmatisation culturelle et le manque de confiance dans le système juridique garantissent le silence. Et dans les rares cas où des témoins se manifestent, le régime iranien ne leur offre aucune protection réelle, les exposant ainsi aux menaces et à la violence.
Failles juridiques et inaction policière
Le droit iranien prévoit, sur le papier, une intervention policière en cas de violences domestiques. L’article 45 du Code de procédure pénale stipule que si un résident appelle les forces de l’ordre pour signaler une violence en cours, la situation doit être traitée comme un « crime flagrant ». Cela autorise les agents à entrer dans un domicile et à arrêter le suspect sans mandat judiciaire.
En pratique, cependant, cette disposition légale est largement ignorée. Les policiers refusent fréquemment d’entrer dans un logement sans mandat d’un juge, malgré ce que dit la loi. Et lorsqu’ils interviennent, ils documentent rarement ce qu’ils constatent.
Plutôt que de rédiger un rapport détaillé — blessures visibles, traces de lutte, armes utilisées — les agents se contentent souvent de noter que la femme a « affirmé avoir été agressée ». Ce manquement à consigner des preuves essentielles revient à effacer la violence et à renforcer le pouvoir de l’agresseur.
Un système qui protège les agresseurs
Le système judiciaire du régime iranien n’est pas conçu pour protéger les femmes, mais pour les décourager. Les survivantes qui engagent une procédure judiciaire sont confrontées à des mois, parfois des années, d’aller-retours sans aucune résolution.
Ce processus épuisant se termine souvent par l’abandon de la plainte par la victime. L’accusé, observant cette situation, tire une conclusion glaçante : il peut abuser en toute impunité. Avec peu de risques de conséquences légales, les hommes violents sont enhardis, et le cycle des violences fondées sur le genre s’intensifie.
Le meurtre, ultime étape des plaintes ignorées
Le prix ultime de cet échec institutionnel, ce sont les vies de femmes. Depuis janvier 2025, des dizaines de femmes à travers l’Iran ont été assassinées par des membres masculins de leur famille — pères, frères, maris. Chaque cas rappelle cruellement que ces victimes avaient, pour beaucoup, tenté sans succès de demander de l’aide, ou avaient été trop terrifiées par les conséquences pour même commencer une démarche. (Rokna, 19 mai 2025)
La Commission des femmes du CNRI a recensé au moins 160 femmes assassinées en 2024 et au moins 105 en 2023 par des proches masculins.
Nombre d’entre elles n’avaient jamais porté plainte officiellement — non pas par manque de volonté, mais par peur de représailles. Le régime iranien ne prévoit aucune protection après dépôt de plainte : pas de refuge, pas de surveillance des agresseurs, aucun suivi par les autorités.
Et lorsqu’une femme survit au processus de plainte, elle est généralement renvoyée dans le foyer où la violence a commencé. Là, elle fait face à un agresseur désormais plus en colère, parfaitement conscient que le système juridique ne bougera pas.
Conclusion
Le refus du régime iranien d’adopter des lois significatives ou de faire appliquer celles qui existent laisse les femmes sans défense face à une violence non seulement tolérée, mais structurellement encouragée.
Le régime clérical a mis en place un labyrinthe juridique dans lequel les victimes se perdent, les agresseurs sont protégés, et la société apprend qu’une vie de femme est sacrifiable. Tant que ce régime ne sera pas démantelé et remplacé par un système fondé sur les droits humains — et en premier lieu les droits des femmes — rien ne changera. Ni les réformes, ni les ajustements politiques, ni les nominations ministérielles ne pourront protéger les femmes.
La violence n’est pas un effet secondaire de ce régime. Elle en est l’un des piliers.