Un événement parallèle intitulé « L’expérience des femmes iraniennes face à la misogynie institutionnalisée » a été organisé par l’Association des Femmes Iraniennes en France (AFIF), en marge de la 69e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW69), le 17 mars 2025.
Présidé par la présidente de l’AFIF, Simin Noori, l’événement s’est concentré sur la situation des femmes iraniennes trente ans après l’adoption de la Plateforme d’action de Pékin, en examinant la misogynie profondément enracinée au sein du régime iranien et la manière dont les femmes iraniennes ont résisté à l’oppression et à l’injustice.
Les participantes ont exploré divers aspects de la répression fondée sur le genre sous le régime clérical, mettant en lumière le courage et la résilience des femmes iraniennes dans leur lutte permanente.
Mme Elham Zanjani, représentante de la Comission des femmes du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), figurait parmi les intervenantes à cette conférence.
Voici le texte de son discours
30 ans après Pékin : les femmes iraniennes toujours privées de droits fondamentaux
Nous nous réunissons aujourd’hui lors de la 69e session de la Commission de la condition de la femme pour évaluer les progrès mondiaux et les défis auxquels les femmes sont confrontées. Alors que nous commémorons les 30 ans de la Déclaration de Pékin, nous devons faire face à la réalité cruelle que des millions de femmes en Iran continuent d’endurer une discrimination systémique, la violence et des difficultés économiques sous un régime oppressif.
Données déformées, vérités dissimulées : les femmes dans l’ombre des statistiques
Dans le cadre de notre rôle au sein du Commission des femmes du CNRI, nous avons préparé un document clé pour la session Pékin +30 et CSW69, qui contraste la rhétorique vide du régime iranien et les statistiques manipulées avec la réalité à laquelle les femmes sont confrontées. Tandis que d’autres gouvernements soumettent des rapports à la CSW69, les affirmations du régime iranien concernant les progrès, en particulier en matière de droits des femmes, sont fausses. Les faits que nous présentons exposent les écarts flagrants entre le récit du régime et la réalité vécue par les femmes iraniennes.
Le régime iranien n’est pas seulement indifférent à la promotion des idéaux mondiaux, mais il représente également un système féodal, médiéval, incompatible avec la civilisation moderne et les Objectifs de développement durable 2030. Le document que nous présentons ici offre un aperçu de la vie des femmes iraniennes sous le régime, mais ne capture pas l’étendue totale de leur souffrance.
Le gouvernement iranien a cessé de publier des données cruciales, telles que le nombre de mères célibataires ou le taux de mariages d’enfants. Par exemple, les rapports sur les mariages d’enfants ont récemment été interdits de publication (Deutsche Welle Persian, 10 septembre 2024).
Pauvreté, chômage et discrimination : le partage inégal des femmes dans l’économie iranienne
Alors que la communauté internationale s’efforce d’atteindre l’Agenda 2030 pour le développement durable, qui met l’accent sur l’autonomisation des femmes et des filles, l’Iran connaît une inégalité croissante et une pauvreté croissante parmi les femmes.
Sur les 27,6 millions de femmes en âge de travailler en Iran (de 15 à 64 ans), seulement 3,9 millions sont employées (IRNA, 11 avril 2020). Cela signifie que 23,7 millions de femmes en âge de travailler sont sans emploi. Dans un pays où 80 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, les femmes portent le fardeau de la privation et du manque de soutien social.
Le régime affirme souvent que l’Organisation de la protection sociale soutient les femmes iraniennes, mais sur les 6 millions de foyers dirigés par des femmes, dont beaucoup sont pauvres, seulement 287 000 foyers reçoivent de l’aide.
Le manque de transparence et la manipulation des statistiques sont des caractéristiques constantes du régime. L’Iran ne dispose pas d’un système efficace de collecte de données ou de catégorisation par sexe, et les statistiques disponibles sont soit rares, incomplètes, soit obsolètes.
Le régime publie également des rapports sur les problèmes sociaux dans les pays occidentaux pour minimiser les problèmes de l’Iran, sans fournir de données correspondantes sur l’Iran. Malheureusement, ces chiffres non vérifiés sont utilisés par des organisations internationales telles que la Banque mondiale, le Forum économique mondial et les Nations Unies, exacerbant la désinformation.
Violences impunies, mariage d’enfants et répression systémique
Par exemple, le régime ne fournit jamais de chiffres sur les mariages illégaux impliquant des filles de moins de 13 ans, se contentant de rapporter ceux des filles de moins de 14 ou 15 ans, ce qui masque des données cruciales et empêche de suivre les tendances.
Concernant la violence à l’égard des femmes, le régime minimise la gravité de la situation en faisant état de problèmes similaires en Europe et aux États-Unis, sans fournir de données sur la situation en Iran.
En matière d’éducation, le régime affirme avoir progressé dans la réduction de l’écart éducatif dans l’enseignement primaire et secondaire, mais les améliorations nécessaires en matière d’infrastructure et de qualité n’ont pas été réalisées. Un rapport du Centre d’évaluation de l’éducation du ministère de l’Éducation a révélé des résultats décevants dans l’examen TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study), où l’Iran a obtenu la 52e place sur 58 pays (Baharnews, 4 septembre 2024, Etemad newspaper, 30 avril 2023).
L’une des formes de discrimination de genre les plus persistantes est la participation limitée des femmes aux rôles politiques et managériaux. Cette exclusion empêche les femmes d’influencer les décisions concernant leur propre avenir et enraye la misogynie dans la gouvernance. Au cours des 40 dernières années, seules deux femmes ont occupé des fonctions ministérielles, et moins de 6 % des représentants parlementaires ont été des femmes.
La dictature théocratique iranienne a maintenu son emprise sur le pouvoir grâce à une oppression brutale, les femmes portant le fardeau de son autorité patriarcale. La loi iranienne désigne les hommes comme chefs de famille, restreint la liberté de mouvement des femmes et permet le mariage d’enfants dès 13 ans. La violence contre les femmes est répandue et souvent impunie, les femmes étant traitées comme des biens plutôt que comme des individus ayant des droits.
Résistance silencieuse derrière les barreaux : des prisonnières politiques qui refusent de céder
Malgré l’oppression implacable, les femmes iraniennes ont fait preuve d’une résilience et d’un courage exceptionnels. L’insurrection nationale de 2022, dirigée par des femmes, a ébranlé le régime. Les femmes ont mené les manifestations, endurant les répressions, les arrestations massives et les exécutions, exigeant la liberté et la dignité.
Les femmes prisonnières politiques en Iran subissent des conditions horribles mais continuent de résister, organisant des grèves de la faim, envoyant des messages au monde extérieur et faisant face à la torture ou à l’exécution pour avoir réclamé leurs droits humains fondamentaux. Cette résistance fait partie d’une lutte de 46 ans contre le régime théocratique, avec des femmes à l’avant-garde.
Des lignes de front à la direction : les femmes au cœur de la Résistance iranienne
Les femmes iraniennes ont une longue histoire de résistance, de leur rôle clé dans la lutte contre la dictature du chah à leur leadership dans les unités de résistance contre les mollahs. Les femmes occupent des postes de leadership essentiels dans le Mouvement des moudjahidines du peuple d’Iran (PMOI), où elles ont joué un rôle central dans la lutte pour la démocratie et la liberté.
Une vision pour l’avenir : l’égalité des genres dans un Iran libre
Sous la direction de Maryam Radjavi, les femmes iraniennes ont assumé davantage de responsabilités dans la Résistance. Son plan en dix points pour un Iran libre met en avant l’égalité des sexes, la séparation de la religion et de l’État, et l’abolition des lois discriminatoires à l’égard des femmes. Son leadership a inspiré des milliers de femmes à rejoindre la lutte pour la justice, souvent à leurs risques et périls.
Malgré les efforts brutaux du régime pour les faire taire, le mouvement de résistance des femmes iraniennes a prospéré. Guidées par le cri de ralliement “Femmes – Résistance – Liberté”, les femmes iraniennes ont mené la lutte contre ce régime médiéval. Leur lutte a été longue, sanglante et complexe, avec des dizaines de milliers de femmes martyrisées et des centaines de milliers emprisonnées et torturées. Au cours des 40 dernières années, les femmes iraniennes ont été à la tête de la résistance, inspirant des millions de personnes.
Le monde a été témoin de la puissance et du courage de ce mouvement lors des soulèvements de 2019 et 2022, lorsque les femmes se sont retrouvées en tête des manifestations et ont déclenché un vaste élan social. Elles ont montré au monde qu’elles joueront un rôle déterminant dans le renversement du régime et l’avènement d’une nouvelle république démocratique. Un Iran libéré sera un phare d’égalité des sexes, de justice et de liberté.
Le régime iranien ne doit plus être légitimé dans les forums internationaux défendant l’égalité des sexes. La communauté internationale doit rejeter l’apaisement et tenir l’Iran responsable de ses crimes à l’égard des femmes. Elle doit reconnaître le leadership des femmes iraniennes et soutenir activement leur lutte.