Le dernier vendredi d’avril 2025, le cimetière du Père Lachaise à Paris a été le théâtre d’un adieu historique : l’ultime hommage rendu à Fatemeh Saeedi, une femme dont le nom est gravé dans la résilience, le deuil et la dignité. Affectueusement surnommée « Mère Shayegan », elle s’est éteinte à l’âge de 93 ans, mais les traces de sa vie demeurent profondément ancrées dans le paysage de l’histoire contemporaine iranienne.
Fatemeh Saeedi était une femme qui avait quitté son foyer pour rejoindre les premières lignes de la lutte. Après le martyre de son fils Nader Shayegan en juin 1973, elle a rejoint les rangs de l’Organisation des guérilleros fedaï du peuple iranien.
La police secrète du Shah, la SAVAK, l’a arrêtée le 14 février 1974 à Machhad. Torturée, elle est restée fidèle à ses idéaux révolutionnaires et n’a jamais parlé, poussant ses interrogateurs à plier face à sa détermination.
Elle n’était pas seulement une mère endeuillée ; elle a transformé son deuil en un élan inébranlable. Deux autres de ses fils, Nasser et Arzhang (âgés de 13 et 11 ans), sont également tombés dans la lutte armée lors d’une attaque de la SAVAK contre leur domicile le 16 mai 1976 — des graines semées dans un sol de répression, arrosées de sang.

Fatemeh Saeedi a lutté sans relâche contre deux régimes dictatoriaux : la monarchie des Pahlavi et le régime clérical. Elle a enduré des années d’emprisonnement, de torture et d’exil, sans jamais dévier de son chemin. Elle a finalement été libérée de prison en janvier 1979.
Après la révolution, forcée à l’exil comme de nombreux activistes politiques, elle est restée une voix inébranlable pour les idéaux qu’elle et ses enfants avaient embrassés. Elle s’est opposée fermement aux tentatives de déformation historique, refusant de laisser les bourreaux de ses fils réécrire l’histoire.
Dans ses propres mots, elle déclara un jour :
« Ils m’ont emmenée hors de la maison, mais pas de force.
Ils ont pris mes enfants, mais je ne suis pas restée silencieuse.
Quand on me demandait ce que fait une mère avec tant de chagrin,
je répondais :
J’ai planté mes graines… elles ont germé, elles ont grandi, et maintenant, je me tiens à leur ombre. »
Fatemeh Saeedi (Mère Shayegan) faisait partie de cette génération de femmes sans qui les révolutions n’ont pas de racines — celles qui ont redéfini la politique non pas dans les parlements, mais dans les rues et les tranchées. Elle ne s’exprimait pas par des slogans, mais à travers ses cicatrices.
Bien que son cœur se soit arrêté dans un hôpital parisien, sa voix — et les graines qu’elle a plantées — continuent de vivre dans notre mémoire collective.