L’été 1988, des milliers de prisonniers politiques ont été exécutés en secret dans les prisons à travers l’Iran. Parmi les victimes du massacre de 1988 figuraient de nombreuses jeunes femmes courageuses qui ont été soumises à des interrogatoires brutaux, à la torture et à l’exécution pour avoir refusé de renoncer à leurs croyances.
Un nouvel enregistrement audio récemment diffusé (BBC – lundi soir, 14 avril 2025) de Hossein-Ali Montazeri, alors successeur désigné de Khomeini, offre un aperçu glaçant de ces atrocités. Lors de cette réunion avec les membres de la soi-disant « commission de la mort » à la prison d’Evin à Téhéran, Montazeri condamne les exécutions et souligne le traitement horrifiant réservé aux femmes, y compris aux jeunes filles, qui sont restées fermes dans leur opposition au régime.
Cet enregistrement, longtemps réprimé, révèle de manière saisissante la brutalité genrée du massacre et la profonde peur du régime face aux femmes qui osaient résister.
300 Moudjahidines exécutées en masse – dont des ressortissantes françaises
L’une des révélations les plus terrifiantes concerne l’exécution massive de 300 prisonnières moudjahidines, dont beaucoup avaient été arrêtées lors de l’opération Lumière éternelle. Montazeri relate une conversation avec le religieux du régime Sadegh Khalkhali, qui a personnellement confirmé l’ordre d’exécution :
« M. Khalkhali était assis juste ici. Il a dit qu’ils avaient amené 300 filles, soi-disant de Mersad… et deux d’entre elles étaient françaises. Khalkhali a dit : ‘J’étais là. J’ai dit qu’il fallait toutes les exécuter.’
J’ai dit : ‘Pas ces deux-là, elles sont françaises.’
Il a répondu : ‘Non, exécutez-les.’ »
Montazeri exprime son indignation face au mépris total du régime, non seulement pour la vie humaine, mais aussi pour les conséquences internationales. Il regrette que l’opportunité d’utiliser les deux Françaises comme levier diplomatique ait été ignorée :
« Vous vous rendez compte de ce qu’on aurait pu obtenir en échange ? Avec la France — peut-être des prisonniers ou autre chose. »

Exécuter des femmes pour leurs convictions, non pour leurs actes
La brutalité misogyne et théocratique du régime est encore mise en lumière dans un cas évoqué par Montazeri, concernant une jeune sympathisante des Moudjahidine, exécutée uniquement pour ses convictions, et non pour un quelconque acte de violence :
« Eslami Shirazi a apporté le dossier d’une fille de Téhéran… Elle avait rédigé son testament à ses parents, en citant le Coran et le Nahj al-Balagha.
J’ai demandé : “Cette fille avait-elle un passé de violence ou de meurtre ?”
Il a répondu : “Non, elle était juste sympathisante.”
Elle croyait en Dieu, au Prophète, au Coran – en tout. Elle a simplement dit : “Cette République islamique ne correspond pas à mes idéaux.” Peut-on exécuter quelqu’un pour cela ? »
Les propos de Montazeri soulignent l’absurdité juridique et religieuse des fondements invoqués par le régime, qui qualifiait de renégats ou d’apostats des dissidents pourtant croyants, pacifiques et profondément spirituels.
Une remise en cause de l’exécution des femmes au regard de la loi islamique
Montazeri a également mis en doute la légitimité religieuse des exécutions de femmes selon la propre jurisprudence du régime. En citant le théologien Ibn Idris, il a contesté la classification de nombreuses prisonnières comme “mohareb” (ennemies de Dieu) :
« Personnellement, j’ai des doutes lorsqu’il s’agit d’exécuter des femmes et des filles…
Un mohareb, c’est quelqu’un qui prend les armes.
La plupart d’entre elles avaient seulement lu un tract, et elles ont fini en prison. »
Ces déclarations contredisent frontalement les justifications officielles du régime pour les exécutions de masse, en particulier celles visant des femmes — soulignant un écart profond avec les principes religieux que le pouvoir prétend appliquer.
Une remise en cause des exécutions de femmes à la lumière de la loi islamique
Montazeri a également remis en question la légitimité religieuse des exécutions de femmes selon la jurisprudence islamique revendiquée par le régime. En citant le théologien Ibn Idris, il a contesté la désignation de nombreuses prisonnières comme « mohareb » (ennemies de Dieu) :
« Personnellement, j’ai des doutes sur l’exécution de femmes et de jeunes filles…
Un mohareb, c’est quelqu’un qui prend les armes.
La plupart d’entre elles avaient seulement lu un tract, et se sont retrouvées en prison. »
Ces propos contredisent directement les justifications religieuses invoquées par le régime pour ses exécutions de masse, en particulier celles visant des femmes. Ils révèlent un écart fondamental entre les actes du pouvoir et ses propres principes religieux déclarés.
Le rôle d’Ahmad Khomeini et l’ampleur de l’atrocité
Le nouvel enregistrement confirme également qu’Ahmad Khomeini, fils de Rouhollah Khomeini – le Guide suprême du régime à l’époque – a joué un rôle central dans la promotion des exécutions massives. Montazeri le cite en ces termes :
« C’est toi-même qui m’as dit que les 10 000 Monafeqin (terme utilisé pour désigner les partisans de l’OMPI) qui avaient simplement lu leurs tracts devaient être exécutés. »
Ce chiffre stupéfiant, ainsi que le raisonnement qui le sous-tend – exécuter des personnes pour avoir simplement lu un document – illustre la volonté délibérée du régime de criminaliser la pensée et l’appartenance idéologique.
Les avertissements de Montazeri ignorés
Malgré sa position élevée en tant que successeur désigné de Khomeini, les objections de Montazeri ont été ignorées, et il a par la suite été écarté du pouvoir. Il avait néanmoins proposé que, si les exécutions devaient malgré tout avoir lieu, elles suivent au moins une procédure judiciaire claire et soient publiquement justifiées :
« Disons, 100 d’entre eux… pourraient être poursuivis, condamnés à mort et exécutés.
Ensuite, on annoncerait publiquement : “Voici leurs crimes.”
Mais ce que nous avons fait maintenant n’est conforme à aucun principe religieux ou logique. »
Cependant, comme le souligne le communiqué du CNRI, cette protestation partielle n’absout pas Montazeri de toute responsabilité. Il cherchait encore à préserver l’image du régime, plutôt qu’à remettre en cause le système même responsable des massacres.
Aucune immunité pour les responsables du massacre de 1988
Dans sa déclaration, la Commission judiciaire du CNRI affirme avec force qu’aucun responsable – passé ou présent – ne doit bénéficier d’une quelconque impunité pour ce crime contre l’humanité. Du guide suprême Khomeini et de son cercle rapproché jusqu’aux actuels dirigeants impliqués dans le massacre, tous doivent rendre des comptes.
La déclaration appuie l’analyse du Professeur Javaid Rehman, Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains en Iran, qui a récemment qualifié le massacre de 1988 de crime contre l’humanité et appelé à mettre fin à des décennies d’impunité :
« Beaucoup de ces individus occupent encore aujourd’hui des postes de pouvoir.
Ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité ou d’autres crimes relevant du droit international dans les années 1980 et au-delà doivent être jugés. »
Une plongée glaçante dans un chapitre sombre
La diffusion de ce deuxième enregistrement de Montazeri offre un nouvel aperçu terrifiant de l’extermination systématique des prisonniers politiques – en particulier des femmes – sous le règne de Khomeini. Il met en lumière la cruauté du régime, sa misogynie, mais aussi l’ampleur et la motivation idéologique derrière ce massacre.
La Commission judiciaire du CNRI réitère son appel à une responsabilité internationale, à une justice pour les victimes, et à la reconnaissance du massacre comme un acte de génocide – une exigence qui devient de plus en plus urgente à mesure que de nouvelles preuves émergent.