CNRI Femmes – Le 5 octobre consacre la Journée des enseignants dans le monde et c’est l’occasion pour les pays d’honorer le corps enseignant et le rôle important qu’il joue dans l’éducation des générations futures. Le développement social et économique et bien d’autres choses encore dépendent de la façon dont la société prépare son capital le plus précieux, c’est-à-dire sa jeunesse, à diriger le pays.
L’accès à une éducation décente est ce qui crée une société plus avancée et plus juste pour tous, y compris l’autonomisation des femmes et leur émancipation pour qu’elles ne soient plus traitées comme des citoyennes de seconde classe. C’est là que le rôle des enseignants s’avère crucial. Mais les enseignants ont besoin d’une sécurité d’emploi et d’une rémunération décente pour assurer cette éducation aux générations futures.
Malheureusement, dans un Iran dirigé par les mollahs, les conditions de vie des enseignants, dont plus de 50 % sont des femmes, sont bien inférieures aux normes acceptables. Salaires impayés pendant des mois, une injustice flagrante dans le refus d’aligner ces salaires sur le coût de la vie et l’absence d’assurance médicale sont autant de problèmes qui rendent la vie difficile et brûlent l’énergie des enseignants iraniens. Au lieu d’offrir une bonne éducation, les enseignants iraniens sont accaparés par joindre les deux bouts.
C’est un contraste frappant avec les pays développés comme la Suède, où les enseignants ont certains des emplois les mieux rémunérés et sont parmi les plus instruits.
Selon les données des médias officiels en Iran, les dépenses mensuelles minimales pour une famille de quatre personnes en avril 2019 étaient de 8 millions de tomans (638 €). Le montant qu’ils ont dû dépenser pour leur nourriture et seulement pour 18 biens essentiels au prix commun dans les villes, était de 2.228.000 tomans (177 €) en avril 2019, alors que le salaire minimum est de 1.517.000 tomans (120 €). Entre-temps, le traitement mensuel moyen d’un enseignant est de 3 250 000 tomans (259€) et un enseignant retraité reçoit 1 500 000 tomans (119 €). Mais la plupart des enseignants ont des contrats temporaires qui ramènent leur salaire à moins d’un million de tomans (80€).
La situation financière des enseignants
En ce qui concerne les enseignants remplaçants, dont la plupart sont des femmes, nous pouvons observer ce qui suit :
Ces enseignants qualifiés reçoivent moins de la moitié du salaire d’un enseignant engagé officiellement et sont privés de tous leurs privilèges. Ils ne jouissent d’aucune sécurité d’emploi et n’ont aucun privilège au cours de la saison d’embauche suivante.
Il n’y a pas de congé de maternité pour les femmes. (Agence Fars – 9 août 2019)
Une enseignante remplaçante a fait remarquer : “Nous n’avons aucun salaire pour les vacances d’été et du Nouvel An ; nos salaires n’augmentent pas et nous ne bénéficions d’aucun congé. Aucun privilège ne nous est accordé dans notre travail et nous ne pouvons pas devenir membre du Fonds d’épargne des éducateurs.” (Agence Fars – 9 août 2019)
Un autre enseignant remplaçant a confié : “Si vous avez une licence des Science, vous recevez 970.000 tomans par mois pour enseigner 24 heures sur 24 (environ 76,5 €), et si vous avez une maitrise, votre salaire mensuel peut atteindre 1.100.000 tomans (environ 87€). (Agence Fars – 9 août 2019)
Le 5 octobre 2018, Journée mondiale des enseignants, le site de la Commission nationale de l’UNESCO a défini le droit d’accès à un enseignant professionnel et à une force éducative forte pour les enfants, en particulier ceux des zones défavorisées, comme l’indicateur d’une éducation riche et fructueuse. Mais comment un enseignant préoccupé par le manque de sécurité de l’emploi, sans soutien ni assurance du gouvernement et avec un salaire nettement inférieur au seuil de pauvreté peut-il être un facteur d’éducation de qualité ?
La situation n’est guère meilleure pour les enseignants engagés à plein temps :
“Chaque année, le budget de l’Éducation ne peut couvrir que les salaires des enseignants et les dépenses quotidiennes du ministère. Et ce salaire est encore deux fois inférieur au seuil de pauvreté “, a déclaré Mozhgan Bageri, enseignante et militante de la guilde de l’éducation. (Salamatnews.com – 26 septembre 2018)
“Les éducateurs du mouvement d’alphabétisation de notre pays n’ont pas été payés depuis des mois et n’ont pas de sécurité d’emploi. Les enseignants embauchés par le ministère de l’Éducation ont du mal à joindre les deux bouts… Dans un système d’éducation décent, la plus grande attention est accordée aux enseignants… mais ce n’est malheureusement pas le cas ici et ils font face à différents problèmes économiques “, a déclaré Seyyed Mohammad Javad Abtahi, membre de la Commission parlementaire sur l’éducation et la recherche. (Salamatnews.com – 26 septembre 2018)
Le ministre iranien de l’Éducation Mohammad Batha’i a souligné : “Les enseignants ont toujours eu un second travail pour joindre les deux bouts. Si un professeur veut juste vivre de son salaire, pour être honnête, il ne peut même pas avoir une vie de classe moyenne.” (Agence Tasnim – 3 mars 2019)
“69% des enseignants ont un deuxième emploi de chauffeurs de taxi et 54% d’entre eux n’ont pas assez de revenus et n’ont plus de temps pour eux “, souligne Vahid Mahmoudi, économiste et professeur d’université. (Agence Tasnim – 3 mars 2019)
Il n’est pas surprenant que les enseignants à la retraite en Iran soient confrontés à des conditions de vie encore plus difficiles, car leurs pensions ne correspondent en rien à l’inflation à deux chiffres qui enfle d’année en année.
L’impact des protestations généralisées des enseignants
Ainsi, la Journée des enseignants dans le monde n’est pas un jour de célébration pour les enseignants iraniens ; elle est devenue une occasion de protester contre leurs moyens d’existence misérables et d’exprimer leur mécontentement envers un système incapable de leur offrir une vie décente pour leurs précieux services à la société.
Le régime iranien est bien conscient du mécontentement populaire profond dont les enseignants iraniens sont l’avant-garde, comme le reflètent les médias officiels. L’agence Tasnim, affiliée aux gardiens de la révolution, écrivait le 14 septembre 2019 que “non seulement la vie des enseignants est misz à mal lorsqu’ils ne reçoivent pas leur salaire, mais notre gouvernance en souffre sérieusement.”
Les enseignants de la province de Kohguilouyeh-Boyer-Ahmad se sont réunis pour protester le 1er juin contre le chômage : “Le salaire mensuel moyen d’un grand nombre des 1400 enseignants du préscolaire de cette province est de 200 000 tomans par mois (environ 15,30 €). Beaucoup d’entre nous sont mariés. Un tel salaire nous poussent-ils à travailler ? Dans cette province, les enseignants ne sont pas officiellement embauchés et nous n’avons aucune sécurité de l’emploi.” (Site KABNA – 2 juin 2019)
Les enseignantes ont toujours lutté pour leurs droits. L’an dernier seulement, les enseignantes et les retraitées ont participé à au moins 581 manifestations. L’année dernière, il y a eu cinq séries de manifestations et de sit-in à l’échelle nationale au cours desquelles les femmes ont joué un rôle très actif. Les manifestations se poursuivent cette année.
Pas plus tard que le jeudi 3 octobre 2019, des d’enseignants et des éducateurs ont manifesté devant les rectorats d’Ispahan et de Tabriz, exigeant leurs salaires impayés. Ils portaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : “La justice est la devise de notre nation” et “Nous n’abandonnerons pas tant que nous n’aurons pas obtenu nos droits”.
La lutte continue…