Des lois enterrées au féminicide : la violence structurelle comme politique d’État en Iran
Rapport de juin 2025 – La violence contre les femmes en Iran est en augmentation. Sous le régime clérical misogyne, la violence contre les femmes n’est pas un phénomène isolé, mais un élément fondamental de la structure culturelle imposée par le régime.
En raison de lois répressives et de l’absence de protection juridique pour les femmes battues combinées à l’absence de criminalisation des violences domestiques ou des violences sexistes dans les lieux de travail et les espaces publics et de l’absence de soutien légal pour les femmes et les filles sous un régime qui a lui-même institutionnalisé la violence contre les femmes, nous assistons à une augmentation quotidienne des cas de violence, en particulier des meurtres de femmes commis par leurs maris, des membres de leur famille ou dans la société en général.
Les soi-disant « crimes d’honneur » et les meurtres liés à la famille sont un phénomène récurrent et de plus en plus fréquent en Iran. Les auteurs échappent souvent à la justice en exploitant les lois profondément misogynes du régime et ses failles juridiques. Des termes comme « honneur » et même « violence domestique » sont ancrés dans ce cadre juridique discriminatoire et ont été renforcés au fil des décennies par les médias d’État et les structures institutionnelles, intégrant la violence sexiste dans le tissu même de la société.
L’absence de législation protectrice, associée à la discrimination juridique, laisse les femmes sans défense face à la violence. Dans la plupart des cas, les victimes de violences sexuelles sont également réduites au silence, par peur du rejet social et en raison de l’absence de soutien légal.
Dans ce contexte, un projet de loi visant à prévenir la violence contre les femmes n’a toujours pas été adopté après 14 ans. Parallèlement, Zahra Behrouz Azar, actuelle directrice du bureau présidentiel pour les affaires des femmes et de la famille, a récemment révélé que les statistiques sur la violence faite aux femmes sont classifiées.
Zahra Behrouz Azar a déclaré : « Nous sommes toujours dans une situation où le taux de violence et de maltraitance conjugale à l’encontre des femmes est 30 fois plus élevé que celui subi par les hommes. Malheureusement, ces données restent classifiées. Comme ces informations sont tenues secrètes, lorsque nous essayons de présenter le projet de loi sur la violence contre les femmes au Parlement et d’en parler, on nous répond : ‘Quelle violence ? Où voyez-vous de la violence contre les femmes ? Où voyez-vous de la maltraitance conjugale ? Et même s’il y en a, c’est pareil pour les hommes.’ » (Agence de presse officielle ISNA – 7 juin 2025)
Nous parlons de la montée des crimes dits d’honneur et des meurtres familiaux, et ce phénomène ne se limite pas aux zones défavorisées ou à certains groupes ethniques. Malheureusement, la violence contre les femmes et les diverses formes de violence domestique sont également observées dans les villes, les milieux modernes et même parmi les classes instruites.
La profondeur de la tragédie : la montée du féminicide en Iran
Le féminicide — l’une des formes les plus extrêmes de violence contre les femmes — continue d’augmenter. Selon les déclarations des responsables du régime, 66 % des femmes en Iran subissent des violences au cours de leur vie. (ISNA – 16 novembre 2018)
Ce chiffre est deux fois supérieur à la moyenne mondiale.
Le 18 mai 2014, le chef adjoint de la police criminelle de Téhéran a annoncé que 20 % des meurtres commis en Iran sont des crimes dits d’honneur. Il a ajouté que 61 % de ces meurtres sont commis par des membres de la famille des victimes.
En décembre 2019, ISNA rapportait — en se basant sur des recherches universitaires — qu’entre 375 et 450 crimes d’honneur ont lieu chaque année en Iran. Ces meurtres représentent environ 20 % de l’ensemble des homicides et 50 % des meurtres domestiques dans le pays.
Certains experts en Iran estiment que le régime clérical détient le taux le plus élevé de violences domestiques contre les femmes au monde. (Mohammad Reza Mahboubfar – Journal Jahan-e Sanat, 19 novembre 2020)
Il est important de noter que les meurtres de femmes sont très peu couverts par les médias iraniens. Les nouvelles éparses et les informations quotidiennes ne révèlent que la partie émergée de l’iceberg, car nombre de ces crimes restent cachés derrière des portes closes et ne sont jamais rendus publics. (Khabar Online – 5 avril 2025)
Une comparaison statistique met en évidence l’augmentation alarmante des crimes d’honneur et des féminicides en Iran.
Selon les données compilées à partir de sources publiques par la Commission des Femmes du Conseil National de la Résistance Iranienne (CNRI) :
Le nombre de crimes dits d’honneur et de féminicides en 2023 s’élevait à 105 femmes, dont 39 cas durant le premier semestre.
En 2024, ce chiffre est monté à 165 femmes, dont 90 assassinées au cours des six premiers mois.
Et rien que sur le premier semestre 2025, la Commission des Femmes du CNRI a signalé 104 femmes tuées.

Le meurtre d’une championne de bras de fer : un produit de la politique misogyne
Les meurtres de femmes et de filles sous divers prétextes font quotidiennement la une des médias d’État comme des médias indépendants en Iran. L’un des cas les plus choquants de juin est celui de Hanieh Behboudi, championne féminine de bras de fer.
Ce n’était pas simplement un crime familial : c’était le reflet direct de politiques et d’idéologies qui nient aux femmes le droit de disposer de leur propre vie.
Hanieh Behboudi a été assassinée par son mari dans la soirée du 5 juin 2025, dans la ville de Fariman (nord-est de l’Iran, près de Machhad).
Elle avait 24 ans et était mère d’une fillette de quatre ans. Après avoir remporté une compétition féminine de bras de fer à Gorgan (nord de l’Iran), Hanieh avait posté sur Instagram une photo de ses mains. Les nombreux compliments et la reconnaissance qu’elle a reçus dans sa ville natale ont déclenché une violente réaction de son mari.
Hanieh avait déjà été victime de violences conjugales. Le soir du meurtre, son mari a d’abord conduit leur fille chez la mère de Hanieh, puis a attiré Hanieh à la maison sous le prétexte d’une sortie ensemble. Il lui a d’abord fracturé les deux poignets, puis l’a étranglée. Enfin, il a coupé les veines de ses deux mains pour tenter de faire passer le meurtre pour un suicide.

Les meurtres de femmes et de filles en juin
Selon les données recueillies par la Commission des Femmes du Conseil National de la Résistance Iranienne (CNRI), au moins 9 femmes ont été assassinées par des proches — principalement leurs maris — entre le 23 mai et le 10 juin 2025.
- Samira Farhadi, 25 ans, et sa sœur Somayeh, 17 ans, ont été abattues par le mari de Samira. Elle était mère de deux enfants âgés de trois et cinq ans.
- Zahra Aliyari a été poignardée à mort avec une extrême brutalité par son mari à Miandoab (nord-ouest de l’Iran).
- Eshrat Heydari, 45 ans, a été abattue par son mari alors qu’elle tentait d’intervenir dans une dispute entre lui et leurs enfants.
- Omolbanin Gholizadeh, 47 ans, a été tuée à coups de couteau par son mari après avoir tenté de se séparer de lui.
Un autre cas, bien qu’il ne s’agisse pas d’un meurtre familial, a profondément choqué la société iranienne : la découverte du corps mutilé de Elaheh Hossein-Nejad dans le désert près de Téhéran. Elaheh, une femme de 24 ans, était titulaire d’une licence en comptabilité et travaillait dans un salon de beauté. L’annonce de la découverte de son corps le 5 juin 2025 a bouleversé l’opinion publique.
Elaheh avait disparu le 25 mai 2025. Selon la version officielle du régime, elle aurait été poignardée à mort en résistant à un vol de téléphone portable. Cependant, il est largement soupçonné que les forces de sécurité l’ont enlevée et assassinée en raison de ses activités anti-régime. Sa famille serait sous étroite surveillance et subit de fortes pressions pour ne pas parler aux médias ni accorder d’interviews.

Elaheh Hossein-Nejad
Aux racines de la violence domestique et du féminicide
Les tragédies sociales qui se déroulent actuellement en Iran trouvent leurs racines profondément ancrées dans le politique. À la base, ces crises sont directement attribuables au régime misogyne et inhumain qui gouverne le pays, un régime qui constitue la source et le moteur de la rage, de la répression et de la violence structurelle présentes dans la société iranienne. Les femmes et les filles sont au cœur de cette politique inhumaine, et en sont les principales victimes.
Les assassinats horribles de femmes et de filles — avant d’être commis avec la machette d’un mari, le couteau d’un père ou le revolver d’un frère — sont le résultat direct de lois, explicites et implicites, nées de l’idéologie rétrograde du régime. Ces lois, loin de protéger la sécurité, la dignité et la vie des femmes, justifient et légitiment leur meurtre.
Bien que les auteurs de ces meurtres soient, dans la plupart des cas, des hommes de la famille, le véritable architecte de cette culture du meurtre est le guide Suprême et l’appareil répressif du régime. À travers des outils tels que les lois misogynes, le système judiciaire patriarcal et les médias contrôlés par l’État, le régime exploite socialement et politiquement ces atrocités, tout en en facilitant la répétition et la normalisation.
Lorsque ces meurtres sont rendus publics, ils servent souvent de diversion pour détourner la responsabilité de l’État, en la rejetant sur des dynamiques individuelles ou familiales.
En fin de compte, les statistiques effrayantes concernant les soi-disant crimes d’honneur sont le produit direct de la misogynie institutionnalisée qui traverse la structure juridique et sociale de l’Iran. Face à la violence contre les femmes — en particulier les crimes d’honneur — il existe une absence fondamentale de criminalisation effective.
La loi non seulement ne protège pas la vie des femmes, mais elle encourage pratiquement les auteurs par le biais de failles juridiques et de peines réduites, inscrites dans des lois profondément misogynes.
Dans de nombreux cas, un père ou un mari qui a sauvagement assassiné sa fille ou sa femme ne purge que quelques années de prison, ou bien est libéré après avoir payé le diyeh (prix du sang) et obtenu le pardon de la mère de la victime. Il revient souvent dans le même foyer où le crime a été commis, sans jamais être réellement tenu responsable d’avoir ôté une vie humaine.
Criminalisation des femmes au lieu d’éliminer la violence à leur encontre
Le quotidien officiel Etemad écrivait le 8 juin 2025 à propos de l’indifférence structurelle et de l’absence de volonté politique pour mettre fin à la violence contre les femmes :
« Malheureusement, dans les dernières révisions du projet de loi de 2025 sur la prévention de la violence contre les femmes, on constate qu’il n’y a fondamentalement aucune réelle préoccupation. Les législateurs créent très rarement de nouvelles infractions. À la place, ils se contentent de recopier des délits existants du Code pénal islamique, en augmentant légèrement les peines uniquement si la victime est une femme.
Ce qui est alarmant dans la version 2025 de la loi, c’est que, sous prétexte de protéger la famille, elle criminalise des comportements des femmes à l’encontre de leurs maris.
Au lieu de viser à éliminer la violence contre les femmes, le projet de loi de 2025 criminalise davantage les femmes, au profit des hommes.
Le changement majeur que nous observons, c’est qu’il n’existe plus aucune criminalisation indépendante des types spécifiques de violences, de harcèlement ou d’agressions. Quelques articles du Code pénal islamique sont sélectionnés, et il est simplement ajouté : ‘si la victime est une femme, alors il se passe ceci.’
Beaucoup des incriminations qui figuraient initialement dans l’avant-projet visant à éliminer la violence ont été supprimées de la version finale. » (Journal officiel Etemad – 8 juin 2025)
Retrait d’un projet de loi après 14 ans sans jamais avoir été adopté
L’un des événements les plus révélateurs du mois de juin concernant la violence à l’égard des femmes a été la décision du gouvernement de retirer le projet de loi intitulé « Assurer la sécurité des femmes contre la violence ». Ce texte, initialement proposé pour prévenir la violence contre les femmes, a été progressivement vidé de sa substance au fil de 14 années de va-et-vient bureaucratiques entre les institutions du régime, sans jamais être adopté.
Le site Khabar Online a publié un article intitulé « La sécurité des femmes sous la lourde ombre de la politique », qui reflète clairement l’impasse juridique et le mécontentement général face à la négligence systémique de la violence faite aux femmes.
Ce projet de loi ne prévoyait aucun mécanisme d’application pour protéger les femmes. Pire encore, en supprimant ses dispositions clés, il a finalement fourni au régime clérical misogyne encore plus d’outils de répression. La situation est devenue si critique que même des personnalités issues du régime ont commencé à le critiquer publiquement.
Zahra Behrouz Azar, directrice générale des affaires des femmes et de la famille, a dénoncé l’échec du projet et la manière dont il a été vidé de sa substance par les forces du régime. Elle a déclaré : « Nous avons affaire à trois catégories : la violence, les abus et les désordres, chacune ayant sa propre définition. Nous avons dit aux membres de la commission parlementaire que, si le mot ‘violence’ les dérange, qu’ils utilisent un autre terme ou une autre formulation.
Mais le projet final n’a pas seulement supprimé le mot ‘violence’, il a également éliminé la majorité des articles qui visaient explicitement à prévenir ces problèmes.
Ils ont été remplacés par des dispositions sans rapport, et dans le texte final proposé, aucun de ces problèmes n’est abordé.
Nous avons constaté qu’il n’avait plus aucun impact réel, et le gouvernement a décidé d’en demander le retrait. » (Journal officiel Etemad – 8 juin 2025)
Masoumeh Ebtekar, ancienne directrice des affaires des femmes et de la famille, a également déclaré : « Nier l’existence de la violence contre les femmes est une stratégie politique… Nous avons concentré toute notre attention sur la question du hijab, alors que le vrai problème est la sécurité.
Lorsqu’on parle de la sécurité des femmes face à la violence, cela concerne à la fois la sphère familiale et la société. » (Site officiel Jamaran – 14 décembre 2024)
Un autre média d’État a posé la question : « Quelle loi dans ce pays a mis 14 ans à être adoptée ? Ce processus interminable ne montre-t-il pas clairement que les considérations politiques et factionnelles ont pris le pas sur la compétence et l’expertise professionnelle ? »
(Rasaneh 7 – 9 juin 2025)
La suppression du mot « violence » : produit de la misogynie et des luttes de pouvoir politiques
Depuis sa première introduction en 2011, le projet de loi a été modifié à plusieurs reprises et ballotté entre les branches exécutive, législative et judiciaire du régime. Finalement, en juin 2025, le nouveau gouvernement du régime clérical a soudainement demandé le retrait du texte.
En retraçant le parcours de ce projet de loi, il devient évident que toutes les administrations et tous les parlements, alignés sur le guide suprême, ont joué le même jeu : politiser le projet et bloquer son adoption sous divers prétextes.
C’est exactement le même scénario cynique qui se répète après chaque meurtre choquant et chaque vague d’indignation publique : les médias sont remplis de promesses creuses des responsables du régime… jusqu’à ce que tout soit à nouveau oublié.
Évolution du nom et du contenu du projet de loi sur la violence contre les femmes
Le tableau ci-dessous retrace tout le parcours historique du projet de loi « Protection des femmes contre la violence », de 2011 à 2025, incluant le nombre d’articles et les titres officiels à chaque étape.
Malgré des changements de nom successifs — de « Sécurité des femmes contre la violence » à « Promotion de la dignité des femmes et de la famille » —, le contenu protecteur essentiel a été progressivement supprimé.
L’acte final, en juin 2025, a été la demande officielle du gouvernement au Parlement de retirer le projet, mettant définitivement fin à 14 années d’impasse bureaucratique.

Le dernier nom donné au texte avant son retrait était : « Promotion de la dignité des femmes et de la famille ». Ce titre révèle sans ambiguïté les véritables priorités du régime : la sécurité et la protection des femmes face à la violence n’ont aucune valeur réelle, tandis que la préservation des structures familiales patriarcales — à tout prix — reste l’objectif fondamental.
Le droit à la vie, à la dignité et à la sécurité pour les femmes et les filles iraniennes
Sous ce régime misogyne, les femmes et les filles iraniennes se voient refuser la reconnaissance de leurs droits fondamentaux à la vie, à la dignité et à la sécurité. Ces droits sont constamment réprimés, déformés et détruits.
La réalisation de ces droits n’est possible que dans un système démocratique, populaire, fondé sur l’égalité des sexes — un système où la loi est au service de la dignité humaine, et non de la répression et de la discrimination.
C’est pourquoi dénoncer la violence structurelle exercée contre les femmes en Iran est une responsabilité mondiale. Les organisations internationales, la société civile, les militants des droits humains et les mouvements pour les droits des femmes doivent élever davantage la voix et intensifier la pression afin de tenir le régime en place pour responsable de ces crimes.
Dans ce combat, soutenir les efforts et les rapports de la Commission des Femmes du CNRI, qui lutte pour la liberté et pour l’établissement d’une République démocratique, fondée sur la séparation de la religion et de l’État et sur l’égalité des sexes, est plus important que jamais.
C’est ce qui nous donne plus de force et de puissance pour avancer et atteindre notre objectif de liberté et d’égalité.