CNRI Femmes – Les travailleuses iraniennes, comme les travailleurs en Iran, subissent une pression plus écrasante que jamais alors que le monde célèbre la Journée internationale du Travail. Elles sont les principales victimes de la fermeture des usines, ateliers et autres unités de production depuis l’arrivée du coronavirus. En l’absence de toute source de revenus, d’épargne ou d’aide gouvernementale, les travailleurs et travailleuses iraniens vivent dans des conditions déplorables.
La pandémie de coronavirus a posé un grand défi aux puissances économiques mondiales. Mais elle pose un défi beaucoup plus sérieux à l’économie paralysée de l’Iran qui souffre d’une dictature vivant de pillage qui en fait payer le prix aux travailleurs et aux secteurs les plus faibles.
Les estimations officielles du nombre de chômeurs en Iran étaient de 3 millions avant la pandémie. Le chiffre réel est bien plus élevé. Mais quels que soient les chiffres, la crise du COVID-19 les a gonflés.
« Quelque 600 000 travailleurs officiellement engagés ont été licenciés au cours de la courte période du 15 mars au début avril », écrit le quotidien Sharq le 24 avril 2020.
L’agence de presse ILNA rapporte le 21 avril 2020 que le nombre de femmes licenciées durant l’hiver 2020 a augmenté de 145 000 par rapport à l’année précédente. ILNA a écrit : « Certains experts estiment que les statistiques officielles ne reflètent pas la réalité des activités économiques des femmes iraniennes. »
Les autorités reconnaissent que les travailleuses iraniennes produisent 75% des produits artisanaux, 40% des produits agricoles et 80% de la production de tapis. (Agence IRNA – 4 mai 2019)
Le manque de soutien du gouvernement aux industries et aux employeurs durant l’épidémie de coronavirus les a contraints à licencier. Comme dans toute autre crise économique en Iran, les premières victimes en sont les travailleuses iraniennes, dont la plupart sont des soutiens de famille.
On s’attend à ce que, pendant et après l’épidémie, davantage de femmes soient licenciées ou obligées de travailler sans être payées.
La plupart des travailleuses iraniennes ont des emplois précaires
Le marché du travail iranien est dominé par les hommes. Selon les estimations officielles, seuls 5 % du nombre total de travailleurs en Iran sont des femmes. En réalité, cependant, la plupart des travailleuses iraniennes sont embauchées dans les secteurs informels et ne sont pas prises en compte dans les chiffres officiels.
« Les conditions injustes du marché du travail conduisent les femmes vers l’emploi précaire. Cette forme d’emploi a un impact négatif sur la situation financière des femmes, tant dans le présent que pour l’avenir. Non seulement les petites vendeuses dans les stations de métro ou sur les trottoirs, mais aussi une partie considérable des fonctionnaires et des travailleuses perdent leur emploi sans bénéficier de la moindre couverture sociale ou assurance chômage. Nous savons qu’un grand nombre de femmes travaillent sur la base d’accords bilatéraux avec leurs employeurs.
Les secrétaires de cabinets médicaux, les fonctionnaires, les employées de cabinets privés, etc. travaillent pour moins d’un million de tomans (57 euros) par mois et sans assurance sociale », a déclaré Mahnaz Ghadirzadeh, experte en relations de travail, dans une interview avec l’agence ILNA le 11 avril 2020.
La députée Tayyebeh Siavoshi affirme : « malheureusement, en raison de graves besoins financiers, de nombreuses travailleuses acceptent de travailler n’importe où avec des salaires compris entre 400 000 et 500 000 tomans par mois (23 à 27,50 euros). Ces (ateliers) ne respectent pas la loi, ne versent aucune indemnité et n’offrent aucune facilité aux travailleuses. Les employeurs peuvent les licencier à tout moment (…) Par exemple, les indemnités des femmes mariées ne leur sont pas versées la plupart du temps. » (Site officiel de la Direction des affaires féminines et familiales, www.women.gov.ir – 1er mai 2019)
La majorité des travailleuses iraniennes sont des soutiens de famille dont la plupart sont des journalières dépourvues d’assurance. (Agence IRNA – 3 mai 2019) Ces travailleuses ne bénéficieront pas de l’indemnisation des journées maladie si elles sont contaminées par le COVID-19.
En plus des femmes qui travaillent dans les ateliers du secteur informel, il y en a beaucoup qui travaillent à domicile mais sans gérer la vente de leurs produits ni même leur propre revenu. Elles ne gagnent pas autant que celles qui travaillent dans de petits ateliers de moins de dix personnes. De nombreuses femmes chefs de famille travaillent à domicile, tissent des tapis ou fabriquent des produits alimentaires pour gagner leur vie. Certaines font également des travaux ménagers chez des particuliers. Elles doivent effectuer des tâches lourdes pour un très petit salaire, sans assurance, sans congés ni autres avantages.
Une majorité écrasante de journaliers
« Plus de 96 % des travailleurs sont enregistrés comme travaillant sous contrat temporaire. Et quelque 3 millions de travailleurs informels travaillent dans des ateliers au noir, payés à la journée et sans assurance », écrivait le quotidien Iran le 28 avril 2020.
Ainsi, les travailleurs officiellement engagés ont pratiquement disparu en Iran et la majorité travaillent sous contrat temporaire ou sur des accords provisoires. Un grand nombre de travailleurs licenciés font partie de ceux qui n’ont pas de contrat.
De nombreux gouvernements ont envisagé d’accorder un soutien aux salariés pendant la crise du coronavirus. En Iran, le soutien du gouvernement au secteur à faible revenu a été limité à un prêt d’un million de tomans (55€) aux bénéficiaires de subventions.
Le gouvernement n’a encore proposé de plan pour soutenir les droits des travailleurs pendant et après la pandémie. Même si les autorités tiennent leurs promesses creuses, les compensations n’iront qu’aux secteurs formels. Les personnes travaillant dans le secteur informel, dont la majorité sont des femmes, ne seront pas prises en compte pour une compensation.
Le régime iranien a levé les restrictions depuis le 11 avril 2020 et a ordonné le retour au travail d’une grande partie de la population sans appliquer aucune mesure de protection et de distanciation physique ni de mesure d’hygiène pour prévenir la propagation du virus.
Dans un article publié par l’agence IRNA le 11 avril, le porte-parole du gouvernement de Rohani, Ali Rabi’i, a expliqué pourquoi ils ont envoyé des millions d’Iraniens à la mort en pleine pandémie : « plus de 1,5 million d’ateliers formels et informels ont dû cesser leurs activités. 4 millions de travailleurs informels connaissent l’arrêt ou la réduction de leurs activités, des réductions de salaires et même des licenciements (…) En cas d’arrêt prolongé, le nombre de chômeurs atteindra plus de 4 millions. Pour compenser leurs salaires, avec un paiement mensuel maximum de 2 millions de tomans (165 euros) pendant trois mois, (le gouvernement) doit disposer d’un crédit d’une valeur de 24 billions de tomans. »
Selon des estimations basées sur des informations fiables obtenues par la Résistance iranienne de l’intérieur de l’Iran, le nombre de décès dus au coronavirus en Iran a atteint près de 38 000 dans plus de 300 villes. Et pourtant, les gouverneurs et les autorités médicales affirment que la maladie n’a atteint son pic dans aucune ville.