Le 11 octobre 2025, à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort, une conférence s’est tenue dans la prestigieuse Church House à Londres. Parmi les intervenants figuraient la baronne O’Loan, Mme Maryam Radjavi, présidente élue du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) ; John Bercow, ancien président de la Chambre des communes du Royaume-Uni ; Ingrid Betancourt, ancienne candidate à la présidence de la Colombie ; Theresa Villiers, ancienne ministre du gouvernement britannique ; ainsi que plusieurs autres personnalités politiques, parlementaires et défenseurs des droits humains.
Les discours de cet événement ont surtout porté sur la condamnation des violations des droits humains et de l’augmentation du nombre d’exécutions en Iran, sur l’appel à mettre fin aux condamnations à mort des prisonniers politiques accusés de soutenir l’OMPI/MEK, sur la désignation du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) comme organisation terroriste, et sur la poursuite d’Ali Khamenei et d’autres dirigeants du régime pour crimes contre l’humanité et génocide.
Ce qui suit est le texte intégral du discours d’Ingrid Betancourt lors de cette conférence :
Honorer la dignité humaine, condamner l’injustice
C’est un honneur d’être ici aujourd’hui, dans ce lieu historique qu’est la Church House, un lieu chargé d’histoire où le Conseil de sécurité des Nations unies s’est réuni pour la première fois afin de défendre la paix, la liberté et la dignité humaine dans les heures les plus sombres du siècle dernier.
En cette Journée mondiale contre la peine de mort, nous nous rassemblons non seulement pour dénoncer un instrument de barbarie, mais aussi pour affirmer le caractère sacré de la vie humaine et la puissance de la conscience, des principes qu’aucun régime, aussi brutal soit-il, ne pourra jamais anéantir.
Aujourd’hui en Iran, dix-sept hommes, prisonniers de conscience, combattants de la liberté, êtres humains d’un courage extraordinaire, attendent leur exécution.
Leur crime ? Penser. Revendiquer la justice, la dignité et la liberté. Soutenir l’OMPI, le mouvement d’opposition iranien qui lutte pour le droit du peuple à choisir la démocratie.
L’OMPI : une force morale au-delà de la politique
Depuis plus de six décennies, l’OMPI porte la flamme de la liberté à travers l’oppression, l’emprisonnement et l’exil, affrontant deux dictatures : la monarchie du chah et la théocratie qui lui a succédé.
C’est pourquoi nous disons toujours : « Ni chah, ni mollahs ».
Cette longue lutte, une lutte très, très longue, six décennies, explique pourquoi l’OMPI n’est pas simplement un mouvement politique ; c’est une force morale, enracinée dans des valeurs qui transcendent le temps et les frontières.
Le régime les craint profondément, car la vérité menace toujours la tyrannie, et finit par la vaincre.
Nos 17 héros : les voix du courage
Nos dix-sept héros aujourd’hui menacés de mort sont les voix du courage dans un pays réduit au silence par la peur.
Ils ont enduré des années d’emprisonnement, de torture, de privation et d’isolement, mais leur esprit reste indomptable.
Leur défi nous rappelle que la liberté ne se concède jamais : elle se conquiert.
Que la justice ne se donne pas : elle se réclame.
Ainsi, tandis qu’ils se tiennent sur le seuil entre la vie et la mort, la question qui se pose à nous toutes et tous ici n’est pas seulement celle de leur destin, mais aussi celle du nôtre.
Le monde restera-t-il silencieux pendant que des innocents sont condamnés ?
Ou nous lèverons-nous, prendrons-nous la parole et agirons-nous pour que leur droit à la vie devienne un tournant dans la lutte mondiale pour la liberté ?

La force de la résistance : « Non aux exécutions du mardi »
Nos dix-sept héros ne sont pas seuls. À travers l’Iran, des milliers d’autres croupissent en prison pour avoir osé penser librement.
Pourtant, même derrière les barreaux, l’esprit humain refuse de céder.
Depuis l’intérieur des prisons, un mouvement remarquable a vu le jour : « Non aux exécutions du mardi ».
Chaque mardi, depuis vingt mois consécutifs, des prisonniers refusent de s’alimenter, transformant la faim en arme pour accuser leurs bourreaux.
Ils ont fait d’un jour de terreur un jour de résistance, de dignité, de solidarité et d’espoir.
Chaque mardi, tandis que le régime cherche à tuer et à réduire au silence, ces prisonniers s’élèvent et réaffirment leur engagement pour la justice, non par la violence, mais par la force morale.
Maryam Akbari Monfared : un symbole de defiance
Parmi ces prisonniers, il y a un nom que je veux que le monde chérisse : ce nom est Maryam Akbari Monfared.
Elle a passé seize années en prison, séparée de ses trois filles, qui ont grandi sans les bras de leur mère.
Son crime, une fois encore : avoir soutenu le rêve d’un Iran démocratique et avoir cherché justice pour ses quatre frères et sœurs, trois frères et une sœur, exécutés par le régime pour le « crime » d’appartenir à l’OMPI.
Deux d’entre eux faisaient partie des 30 000 prisonniers politiques massacrés en 1988, un génocide dénoncé et documenté par les Nations unies.
Lorsque sa peine initiale de quinze ans a pris fin, le régime a inventé de nouvelles accusations pour prolonger son calvaire.
Pourtant, depuis sa cellule, Maryam continue d’inspirer le courage. Écoutons-la.
Elle a écrit un jour :
« Durant ces années, j’ai enduré de nombreuses souffrances. Pourtant, mes frères et ma sœur, qui ont perdu la vie, restent les étoiles brillantes de l’amour et de l’espoir dans ma famille. C’est d’eux que j’ai appris la force de supporter la douleur et l’épreuve. »
Et dans une autre lettre, elle déclare :
« La justice se dresse plus forte que l’amour, plus haut encore que l’amour d’une mère pour ses enfants. Et c’est précisément parce que j’aime mes enfants que je me suis levée au nom de la justice. »
Réfléchissons à ces mots, car ils ne sont pas des mots de désespoir.
C’est le témoignage moral d’une femme qui a transformé la douleur en force et le chagrin en mission.
Maryam Akbari Monfared et nos dix-sept condamnés à mort sont véritablement la conscience de l’Iran.
Son exemple transforme le deuil en courage, la souffrance en raison d’être.
Leur courage est pur, leur vérité trop dérangeante pour le régime, et leur exemple absolument vital pour nous, celles et ceux qui vivons dans le confort des pays libres.
Ne soyons donc pas les complices silencieux de leur effacement.
Souvenons-nous d’eux, non par chagrin ni par pitié, mais par devoir moral, car il est profondément juste de défendre leur innocence.
Mes amis, leur défi porte aussi un message politique essentiel pour nous tous ici.
Un devoir moral pour le monde libre
Depuis trop longtemps, la communauté internationale détourne le regard, plaçant les intérêts économiques ou diplomatiques de court terme au-dessus des droits humains, et en particulier des droits du peuple iranien.
Aujourd’hui, il faut être clair : la peine de mort en Iran n’est pas une procédure judiciaire, c’est une arme politique inhumaine, barbare et archaïque, utilisée pour semer la peur et étouffer toute dissidence.
Les condamnés d’aujourd’hui appartiennent à un mouvements qui incarne l’espoir et l’alternative à la dictature.
C’est leur appartenance à ce mouvement qui nourrit leur engagement héroïque.
Oui, on leur a proposé une voie pour sauver leur vie : renier leur soutien à l’OMPI et collaborer avec le régime.
Mais ils ont dit non.
Non, parce que l’OMPI représente l’option démocratique dont ils rêvent.
Parce qu’ils savent que c’est la seule voie vers une transition ordonnée vers la démocratie lorsque la tyrannie iranienne tombera.
Et ils savent que la coalition démocratique inspirée par Maryam Radjavi est la seule issue possible.
Nous savons tous ici que la vision de Maryam Radjavi, celle d’un Iran libre, démocratique, laïc, non violent et non nucléaire, constitue l’antithèse morale et politique de la cruauté et de la corruption du régime, qui exporte le terrorisme et la tyrannie à travers un réseau criminel alimenté par le sang et l’argent de la drogue.
Nous le savons tous.
Ainsi, soutenir l’OMPI, défendre nos dix-sept prisonniers et faire entendre la voix de Maryam Akbari Monfared n’est pas seulement une obligation morale, c’est un impératif de survie pour chacun de nous.
L’espoir au-delà des murs
Mes chers amis, alors que je me tiens ici, dans ce lieu de conscience, je pense, et je sais que vous pensez aussi, aux visages des dix-sept condamnés à mort, à celui de Maryam Akbari Monfared, et à des milliers d’autres dont nous ne connaîtrons peut-être jamais les noms.
Et je me demande : que signifie le fait que le monde entende parler d’injustice et ne fasse rien ?
Le silence face à l’exécution n’est pas seulement de la complicité, c’est une rupture du lien qui nous unit en tant qu’êtres humains.
Pourtant, il y a en chacun de nous une étincelle : étincelle d’indignation, étincelle de compassion, une étincelle d’espoir qui refuse de s’éteindre.
Quand une mère endure des années de séparation et de torture, et qu’elle élève malgré tout sa voix depuis les murs de sa prison, c’est cela, l’espoir.
Quand des prisonniers jeûnent chaque mardi, même si leurs corps sont faibles mais leur volonté forte, c’est cela, l’espoir.
La promesse de la liberté
Oui, il y a de l’espoir.
Aujourd’hui, faisons-leur une promesse, à ces dix-sept prisonniers, et à tous ceux qui souffrent dans les prisons pour rien d’autre que la vérité et la foi.
Promettons-leur que nous ne les oublierons jamais, que nous porterons leurs histoires dans chaque parlement, chaque table diplomatique, chaque coin de rue.
Que nous plaiderons pour leur liberté, leur dignité, leur vie.
Et que nous exigerons, par nos voix, nos votes et nos actions, qu’aucun être humain ne soit exécuté pour avoir rêvé de liberté.
Car la mesure de notre humanité se révèle lorsque nous nous levons pour les sans-pouvoir, pour ceux que la peur a réduits au silence, pour ceux que les bottes des tyrans écrasent.
Et le jour viendra, j’en suis profondément convaincue, où le sang des martyrs deviendra la semence de la liberté pour tous les opprimés.
Où chaque vie sauvée deviendra une victoire pour les plus démunis d’entre nous.
Alors, quittons ce lieu, aujourd’hui, déterminés, non seulement à condamner, mais à agir, non seulement à pleurer l’injustice, mais à l’éradiquer.
Et lorsque l’aube d’un Iran libre se lèvera, lorsque le monde s’élèvera au-delà des murs de l’oppression, ces dix-sept, nos dix-sept, ne seront pas les derniers noms que l’on évoquera.
Ils seront les premiers noms gravés dans les fondations de cette nouvelle terre de liberté, la leur, la vôtre, la nôtre.
Merci.




















