Pour tous ceux qui sont familiers de la langue persane, son accent est révélateur de ses origines. Fatemeh Nostrati vient d’Iranshahr, une ville du Baloutchistan iranien, dans le sud-est du pays.
Née en 1971, elle a deux sœurs et deux frères qui sont tous en Iran. L’une de ses sœurs est née après que Fatemeh ait rejoint la Résistance et elles ne se sont donc jamais rencontrées. Fatemeh Nosrati se souvient de son enfance :
Là où j’ai grandi, l’accès des filles à l’éducation était très limité. La majorité des filles étudiaient au plus jusqu’en CM1/CM2 avant d’être contraintes à l’abandon de la scolarité. Il n’y avait ni collège ni lycée pour filles dans notre ville. De rares filles comme moi, continuaient dans les écoles pour garçon, au prix des humiliations qu’on peut deviner.
C’est malgré ces circonstances que moi et quelques-unes de mes amies, nous avons défié les traditions et nous avons fini le 3e. On n’est pas allé plus loin, les obstacles devenant trop harcelants., surtout les traditions rétrogrades et misogynes.
Dans la communauté où j’ai grandi, des filles étaient mariées contre leur gré à l’âge d’à peine 13 ans, ce qui signifiait une vie sans aucune liberté, sans le droit de choisir son avenir.
Dans ces conditions, il n’était pas évident pour une jeune fille comme moi, d’être attirée par une organisation politique.
Fatemeh Nosrati nous raconte sa rencontre avec les Moudjahidine du peuple (MEK) et son adhésion à cette organisation:
J’avais à peine 10 ans que j’ai entendu parler des Moudjahidine du peuple par l’intermédiaire de mes cousins qui étaient des militants du mouvement, avant qu’un ami de la famille joue la part du lion dans ma connaissance de ce mouvement. Il s’appelait Mohammad Amin Danechpip et il fut lui-même assassiné plus tard en 1986 à Iranshahr, dans sa lutte contre la dictature religieuse.
C’est par l’intermédiaire de Mohammad Amin que j’ai rencontré pour la première fois un groupe de militants des Moudjahidine du peuple dans notre ville. Leur conduite, leurs manières de faire et leur amabilité m’ont attirée dès la première rencontre. Je me souviens qu’on les appelait “les Anges”.
De 1984 à 1986, j’ai suivi et observé de près les activités, le comportement et les attitudes de ces jeunes militants dans notre quartier. C’est seulement grâce à ma connaissance d’eux que j’ai pu envisager un nouveau chemin dans ma vie.
Je me souviens qu’un jour de novembre 1986, j’ai décidé d’aller dans l’une des sièges des Moudjahidine du peuple et de les voir de plu sprès.
Je n’avais pas pris la décision de rester ou de rejoindre leurs rangs, alors je suis partie sans faire des adieux à personne. La dernière chose dont je me souviens, c’est que ma mère me conseillait de retourner la voir bientôt.
Pour visiter les Moudjahidine du peuple à Achraf, j’ai dû passer par le Pakistan. C’est là que j’ai vu des femmes membres de l’organisation. C’est leur amitié qui m’a rempli de respect pour leur chemin et c’est là que j’ai vu naître en moi les premières lueurs de désir de rester avec les Moudjahidine du peuple.
Après deux ans, en 1988, j’ai finalement réussi à arriver à Achraf. À l’intérieur de moi, quelque chose me disait que je venais d’arriver chez moi.
Ma famille m’a contacté peu après pour me demander de rentrer chez moi. Mon père, ma mère et même mon oncle me voyaient toujours comme une jeune fille incapable de décider, dont la vie entière avait été tracée par les autres.
Fatemeh Nosrati explique comment elle a réussi à prendre sa décision finale :
C’était un dilemme : Il me fallait choisir entre ma famille et mes proches et ce groupe de personnes dont je m’identifiais à leurs buts et leurs aspirations.
J’étais persuadée que c’est sur ce chemin que je réaliserai ma quête pour la liberté. J’ai donc décidé de rester et de me battre pour la liberté d’un pays, la libération d’une nation, et surtout l’émancipation de dizaines de millions de femmes opprimées et exploitées, dont je n’étais qu’un exemple.
Trente ans se sont écoulés depuis cette décision ; trente ans d’une vie de lutte et d’espoir. J’espère continuer jusqu’au jour où j’y parviendrai et je suis très fière d’avoir pris une telle décision.
Il n’y a pas de doute que ma patrie finira par connaître la liberté. Ce jour-là, ma mère, mon père et mon cher oncle comprendront pourquoi j’ai fait ce choix et pourquoi j’ai persévéré sur cette voie.