Chaque année, le 5 octobre est marqué comme la Journée mondiale des enseignants dans le calendrier de l’UNESCO, une journée instaurée en 1994 pour honorer les efforts, le statut social et les droits professionnels des enseignants dans le monde. Elle rappelle l’engagement mondial à défendre les droits des enseignants, à améliorer la qualité de l’éducation et à souligner leur rôle indispensable dans la construction de l’avenir de la société.
En Iran, les enseignants ont toujours été au cœur des transformations sociales et culturelles, jouant un rôle majeur dans l’éducation de générations conscientes. Parmi eux, les enseignantes, en plus de porter la lourde responsabilité de l’enseignement, ont également subi le poids des discriminations sexistes et des pressions sociales.
Violations systématiques des droits des enseignants
À la veille de la Journée mondiale des enseignants, le système éducatif en Iran ressemble davantage à un appareil sécuritaire qu’à une institution d’enseignement. L’identification, l’arrestation et la répression brutale des militants syndicaux enseignants qui revendiquent leurs droits sont devenues les caractéristiques principales de ce système.
Les conseils de discipline administrative et les bureaux de sécurité du ministère de l’Éducation se sont transformés en bras exécutifs des services de renseignement. Les licenciements, mises à l’écart forcées et suspensions comptent parmi les outils utilisés pour faire taire la voix des enseignants.
Le pouvoir judiciaire et les agences de sécurité en Iran classent régulièrement les activités syndicales des enseignants comme des « crimes contre la sécurité nationale », prononçant des peines lourdes. Au moins 45 enseignants et militants syndicaux ont été arrêtés, convoqués ou interrogés durant l’été 2025, sans la moindre garantie d’un procès équitable.
Entre la mi-juin et le 19 septembre 2025, la répression contre les enseignants et les membres des syndicats s’est intensifiée dans plusieurs provinces, de Kerman et du Kurdistan au Gilan, Azerbaïdjan occidental, Ispahan et Téhéran. Derrière cette vague répressive se cache la peur du régime face à la poursuite des protestations, surtout à la suite du soulèvement national de 2022.
Le 4 août 2025, cinq enseignantes à Kerman, avec trois autres militants syndicaux, ont été condamnés à un total de 8 ans et demi de prison pour des accusations liées à la sécurité et pour « propagande contre le régime ».
Fatemeh Yazdani, Mitra Nikpour, Zahra Azizi, Leila Afshar et Shahnaz Rezaei Sharifabadi ont chacune été condamnées par la justice cléricale à 10 mois de prison pour « appartenance à un groupe d’opposition dans l’intention de perturber la sécurité » et pour « propagande contre le système ». En appel, ces peines ont été commuées en une amende de 700 millions de rials chacune.
Le régime clérical utilise délibérément les sanctions financières comme outil d’oppression économique contre les enseignantes, ciblant directement les moyens de subsistance des familles et imposant une pression supplémentaire aux enseignantes.
En juin 2025, Sakineh Maleki Hedak, enseignante de lycée à Bandar Anzali avec 28 ans de service au ministère de l’Éducation, a été contrainte à la retraite obligatoire par une décision finale de la Cour administrative de justice.
Le 20 août 2025, le Conseil d’appel pour les violations administratives à Sanandaj a rendu des jugements définitifs de mise à la retraite forcée, de licenciement et de suspension contre sept enseignants, dont deux enseignantes. Selon ces verdicts, Nasrin Karimi (titulaire d’un master en sociologie et 27 ans de service) a été condamnée à la retraite forcée avec une rétrogradation de deux échelons, et Leila Zarei (titulaire d’une licence en éducation primaire et 30 ans de service) a été rétrogradée de son poste de directrice adjointe et contrainte à la retraite avec une rétrogradation d’un échelon.
Les écoles publiques confrontées à une pénurie d’enseignants
Les licenciements et les pressions structurelles contre les enseignants surviennent au moment où les écoles publiques en Iran font face à une grave crise de ressources humaines.
L’Iran connaît une pénurie de plus de 176 000 enseignants, alors que plus de 85 % des élèves du pays sont inscrits dans les écoles publiques. Beaucoup d’écoles ont été contraintes de fermer en raison du manque d’enseignants, ou ont vu la qualité de l’éducation chuter dramatiquement. (Eghtesad24 – 20 mars 2024)
Tejarat News a également rapporté :
« Les écoles publiques ont toujours souffert d’un manque d’enseignants, mais les licenciements massifs ont aggravé cette crise. La qualité de l’éducation dans les écoles publiques s’est effondrée, et l’équité éducative a pratiquement disparu. » (Tejarat News – 14 septembre 2024)
Le régime ne se contente pas d’étouffer les droits syndicaux des enseignants, mais par ses politiques erronées et le licenciement de personnels qualifiés, il prive aussi les élèves, et la société dans son ensemble, du droit à une éducation équitable.
Crise chronique des moyens de subsistance et précarité de l’emploi
La mise en œuvre incomplète de la loi sur le classement des enseignants s’est transformée en une crise grave. Les retraités, en particulier ceux partis à la retraite en 2022, ont perdu une part importante de leurs droits légaux. Cette violation constitue en réalité une forme d’oppression économique à travers des formules bureaucratiques.
Par ailleurs, l’insécurité de l’emploi continue de peser sur les enseignants informels. Ce groupe, qui inclut les enseignants indépendants, les instituteurs de maternelle et les formateurs du mouvement d’alphabétisation, est en grande majorité composé de femmes, qui enseignent depuis des années dans les conditions les plus dures, sans assurance ni sécurité de l’emploi.
Selon Eghtesad Online (15 août 2025), malgré des augmentations salariales occasionnelles, les salaires des enseignants en Iran restent bien en dessous de la moyenne mondiale. Les salaires mensuels des enseignants iraniens vont de 15 à 30 millions de tomans (environ 150 à 300 USD), tandis qu’en Allemagne ils s’élèvent à 3 500 à 5 000 dollars, aux États-Unis à 3 000 à 5 500 dollars, au Japon à environ 4 000 dollars, et en Finlande à près de 3 500 dollars. Même dans la Turquie voisine, le salaire moyen d’un enseignant est de 800 à 1 200 dollars par mois.
Cette comparaison démontre que les enseignants iraniens vivent dans des conditions bien inférieures aux standards mondiaux, poussés de fait dans un état de pauvreté structurelle.
Discrimination et double fardeau pour les enseignantes
En plus de la répression générale, les enseignantes font face à des formes spécifiques de discrimination :
- Bien que les femmes représentent 60 à 64 % du personnel éducatif, leur part dans les postes de direction n’est que d’environ 7 %.
- Salaires bas, paiements retardés et pressions psychologiques ont provoqué une dépression et un épuisement généralisés chez les enseignantes.
- Affectations forcées dans des zones reculées et coûts élevés de transport.
- Absence de structures de garde d’enfants publiques et horaires de travail incompatibles avec les mères enseignantes.
- Pressions culturelles et disciplinaires, y compris l’application stricte du code vestimentaire au travail.
Ces conditions placent les enseignantes dans une situation où elles doivent lutter non seulement pour leurs droits syndicaux, mais aussi pour leurs droits humains les plus fondamentaux.
La voie à suivre
La Journée mondiale des enseignants en Iran présente un tableau d’enseignants soumis à des pressions systématiques, économiques et sécuritaires. Les enseignantes, qui constituent l’épine dorsale du système éducatif du pays, en sont les plus touchées, subissant oppression économique, discriminations structurelles et pressions culturelles.
Célébrer cette journée en Iran n’aura de sens que lorsque les droits syndicaux des enseignants, la sécurité de l’emploi et l’égalité de genre, en particulier pour les femmes, seront garantis. Dans le système éducatif misogyne du régime clérical, cette promesse reste un mirage.
Pour les enseignants iraniens, la Journée mondiale des enseignants est, jusqu’à la chute du régime des mollahs, non pas un rappel de reconnaissance, mais un symbole de lutte et de résistance.
Dans un Iran libre de demain, la résistance iranienne établira un système éducatif fondé sur la liberté, la démocratie et l’égalité.